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Nous nous proposons de réaliser l'étude la plus poussée des différents plans de numérotage successifs qui aient (eu) cours en France depuis le début du téléphone ouvert au public.
Sans notions sur le plan de numérotation, il est impossible de comprendre ce qu’est le réseau du téléphone automatique. La numérotation téléphonique incarne au moins autant le Réseau Téléphonique Commuté que l’ensemble des commutateurs qui le composent, en permettant le routage des communications téléphoniques jusqu’à destination. Un plan de numérotage doit être vu comme une programmation logicielle à l’échelle d’un pays entier. Un plan vit, un plan évolue, un plan s’adapte aux réalités du territoire et des habitants qui y vivent.
(Photographie : C. R-V - Cadran : Coll. C. R-V)
En 1955, suite aux travaux de la Commission Administrative des PTT créée en 1952 et qui rendit ses conclusions dès 1953, présidée par M. l'Ingénieur Général Antoine Chovet (Commandeur dans l'Ordre du Mérite Postal - décret du 13 mars 1961 ; Commandeur dans l'Ordre National du Mérite - décret du 16 décembre 1966 ; Commandeur dans l'Ordre National de la Légion d'Honneur - décret du 27 décembre 1968), le principe d'un Plan de Numérotage téléphonique global est adopté.
Ce Plan de Numérotage National "dit de 1955" est mis en œuvre par déploiement progressif commutateur par commutateur, au fur-et-à-mesure de l'automatisation de chaque ville ou de chaque groupement de villages, de hameaux ou lieux-dits, pour faire face à l’accroissement du réseau téléphonique qui avait été insuffisamment anticipée au départ, ainsi qu’à l’automatisation interurbaine débutée en 1951, nécessitant alors une rationalisation « mathématique » dans l’attribution des numéros des abonnés, en fonction de critères géographiques et organisationnels novateurs, en tenant compte que la plupart des destinations demandées concernent par ordre d’importance : des appels urbains, puis des appels passés dans le même département, puis dans les départements limitrophes ; les appels de longue distance étant alors marginaux ainsi que les appels internationaux.
Ainsi, tant qu'une ville, un village, un hameau, un lieu-dit est maintenu en téléphonie manuelle, l'abonné conserve-t-il son numéro de téléphone historique tel qu'il lui a été attribué historiquement, à 2 chiffres, à 3 chiffres voire à 4 chiffres... Mais au moment de passer à l'automatisation intégrale par la mise en service d'un autocommutateur ou d'un Centre Intermédiaire ou d'un Centre de Secteur, l'abonné se voit attribuer quelques mois avant, un numéro de téléphone régional à 6 chiffres, ainsi que le numéro de téléphone national à 8 chiffres associé que les appelants devront utiliser pour le joindre au téléphone.
De manière générale, l'Administration essaye de conserver les numéros de téléphones d'origine en les incluant dans les nouveaux numéros de téléphones automatiques, sauf en cas de conflit entre plusieurs bourgs. En effet, par la voie automatique, deux abonnés ne peuvent jamais posséder le même numéro de téléphone. À ce moment-là, les abonnés de certains bourgs doivent être renumérotés quand ils se retrouvent sous le même AB.PQ et sur le même Millier, voire la même Centaine...
Pour résumer la situation : le Plan de Numérotage de 1955 n'a jamais été mis en œuvre d'un seul coup, à une seule date fixée, pour toute la France, mais au contraire, il était au départ un objectif à atteindre, un objectif à mettre en œuvre progressivement (jusques en 1979) au fur-et-à-mesure de l'automatisation des villes, villages, hameaux et lieux-dits... Ainsi donc, il s'avère complètement absurde de vouloir définir une date précise de mise en œuvre du Plan de Numérotage de 1955 car cette date n'existe pas, mais est constitué dans son déploiement par des milliers de dates comprises entre 1955 et 1979 réparties dans toute la France...
Le cahier des charges pour parvenir à l'automatisation et au plan de numérotage de 1955 est donc à cette époque :
ZND : le réseau se maille de plus en plus et la solution décidée tenant compte de tous les facteurs précités consiste à réorganiser le plan de numérotage téléphonique par Zones de Numérotage de Département (ZND) qui se superposent plus ou moins aux départements. C’est ce que l’administration des télécommunications tente de réaliser le plus souvent possible. Un département, donc une ZND, reçoit en général un seul indicatif (AB).
Nota : chaque ZND est constituée par un regroupement de plusieurs Circonscriptions de Taxe qui ne se chevauchent pas. Dans chaque Circonscription de Taxe les abonnés téléphonent au tarif local de 1 Taxe de Base. Dès qu'un appel sort de la circonscription de l'appelant, un système de tarification complexe basé sur la distance entre les deux chefs-lieux de Circonscriptions de Taxes détermine un tarif de conversation.
Il existe alors en France un nombre important de tarifs basés d'une part sur la distance à vol d'oiseau entre chefs-lieux, et d'autre part à l'appartenance des chefs-lieux au même département (intra ZND), ou à des départements limitrophes (intra ZRN), ou en dehors de la ZRN.
Les combinaisons de ces multiples facteurs sont très complexes et en font d'ailleurs le système tarifaire de taxation le plus complexe du monde à cette époque.
À signaler le cas particulier du département de la Seine ne formant qu'une seule Circonscription de Taxe dans une seule et unique ZND, la ZND dite de Paris et 1ère couronne, la 1ère couronne, encore nommée zone suburbaine, étant constituée des communes limitrophes à Paris ainsi que des communes limitrophes à celles-ci.
ZRN : sont aussi formées des Zones Régionales de Numérotage (ZRN) : schématiquement, il est créé une ZRN par département, qui comprend ce département considéré ainsi que les départements limitrophes. Ainsi chaque ZRN à 6 chiffres en chevauche plusieurs autres. Dans une même ZRN, les abonnés se téléphonent entre eux en composant seulement les 6 chiffres de leur correspondant : PQ MC DU.
Nota : même si les ZRN à 6 chiffres se chevauchent en France, il est impossible qu’une ZRN de province chevauche la ZRN de la Région Parisienne, vu que la numérotation régionale y est à 7 chiffres.
Dès 1955, le principe d’une double numérotation est mis en œuvre. Chaque abonné se voit donc attribuer un numéro national (aussi dénommé numéro significatif) à 8 caractères, associé au numéro régional correspondant de 6 chiffres ou 7 caractères :
C’est à cette époque que naît la dénomination ABPQMCDU de la numérotation téléphonique.
Concernant la Province :
- Le AB PQ MC DU représente le numéro national à 8 chiffres de l’abonné.
- Le PQ MC DU son numéro régional à 6 chiffres correspondant.
- Un indicatif (AB) représente le numéro de Zone de Numérotage de Département (le département, en général).
- Un Préfixe Quantitatif, noté PQ, représente à cette époque le numéro du commutateur.
- Il ne peut exister sur l’ensemble du territoire métropolitain qu’un maximum de 80 indicatifs (AB) vu qu’il a été historiquement décidé que le chiffre 0 ne commencerait jamais de numéro téléphonique national, ainsi qu’un maximum de 90 PQ possibles pour chaque ZRN, pour la simple raison que les 2 premiers chiffres composés au cadran compris entre 10 et 19 sont affectés (ou réservés pour le futur) aux « Services Spéciaux » (comme le préfixe 16 pour l’interurbain automatique) et ne sont donc ni intégrables au plan de numérotage national à 8 chiffres, ni aux plans de numérotage régionaux à 6 chiffres.
- De plus, dans chaque ZRN à 6 chiffres, bien que comportant en général plusieurs indicatifs (AB), nous sommes donc toujours limités à 90 combinaisons de PQ de 10.000 abonnés MCDU chacune : 900.000 abonnés maximum par ZRN. En effet, si un PQ pouvait être attribué à plusieurs indicatifs (AB) d’une même ZRN, il existerait alors dans cette ZRN plusieurs numéros de téléphones régionaux identiques à 6 chiffres PQ MC DU, ce qui rendrait l’acheminement des communications impossible en mode automatique. Ceci provoque une perte inévitable de ressources en numéros téléphoniques attribuables.
Concernant la Région Parisienne :
- Le A BPQ MC DU représente le numéro national à 8 caractères de l’abonné.
- Le BPQ MC DU son numéro régional à 7 caractères correspondant.
- Un indicatif (A) –fixé à la valeur (1) en 1955– représente le numéro de Zone Régionale de Numérotage (c'est-à-dire l’ensemble de la Région Parisienne de l’époque : les départements de la Seine, de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne et d’Oise).
- Un Préfixe Quantitatif à 3 caractères, noté BPQ.
- Il ne peut exister que 900 combinaisons BPQ possibles, pour la simple raison que les 2 premiers chiffres composés au cadran compris entre 10 et 19 sont affectés (ou réservés pour le futur) aux « Services Spéciaux » (comme le préfixe 16 pour l’interurbain automatique), ce qui fait que le (B) égal à 1 en Région Parisienne ne peut pas exister. Par voie de conséquence ceci interdit techniquement l’usage de 100 combinaisons BPQ dans cette ZRN à 7 chiffres.
- De plus, par souci d’harmonisation par rapport à la province, les numéros PQ de 10 à 19 sont volontairement éliminés de la numérotation régionale parisienne. Ceci est la raison pour laquelle il n’existe jamais de lettres rouges autour du chiffre 1 de l’émail des cadrans téléphoniques administratifs apparus en 1927. Donc, en Région Parisienne, 10 PQ commençant par le chiffre 1 pour les 9 B possibles sont volontairement éliminés, soit 90 PQ supplémentaires à retrancher.
- En revanche, la ZRN de Région parisienne à 7 chiffres ne peut pas chevaucher de ZRN limitrophe, ce qui fait que dans cette ZRN à 7 chiffres, il est possible d’attribuer un maximum réel de 9 B de 90 PQ chacun, soit 810 BPQ de 10.000 abonnés MC DU. Soit un maximum de 8,1 millions d’abonnés
- Sachant que pour les départements de Seine-et-Marne, Oise et Seine-et-Oise, le préfixe (B) est fixé à la valeur 9 et donc limite le nombre de lignes téléphoniques maximal pour la 2ème couronne et la grande banlieue qu’à 1 B de 90 PQ, soit 90 BPQ de 10.000 abonnés MCDU possibles soit 900.000 abonnés maximum,
- Sachant que pour le département de la Seine (Paris et 1ère couronne), sont disponibles 8 B de 90 PQ, soit 720 BPQ de 10.000 abonnés MC DU. Soit un maximum de 7,2 millions d’abonnés pour Paris et la 1ère couronne.
Nota : Concernant les Préfixes Quantitatifs PQ, la multiplication du nombre de commutateurs puis l’avènement ultérieur des commutateurs à grande capacité supérieurs à 10.000 abonnés signe ici le fait que depuis plus de 40 ans, les numéros de commutateur soient complètement disjoints des Préfixes Quantitatifs téléphoniques, un seul commutateur pouvant inclure jusqu’à 10 Préfixes Quantitatifs (soit 100.000 abonnés). De nos jours, un numéro de commutateur est composé par 4 caractères : 2 lettres suivies de 2 chiffres, ce qui n’a donc plus aucun point commun avec les Préfixes Quantitatifs qu’il gère.
- Lorsqu’un abonné de province souhaite appeler un abonné situé dans sa propre ZRN (c'est-à-dire dans son département et les départements limitrophes), il ne compose alors que les 6 chiffres du numéro régional de son correspondant : PQ MC DU, comme à l’époque du plan de 1946.
- Lorsqu’un abonné de province souhaite appeler un abonné situé en province hors de sa propre Zone Régionale de Numérotage, ou en Région Parisienne, il compose le préfixe interurbain 16 si sa zone est équipée de l’interurbain automatique, attend la tonalité spécifique du centre interurbain (mélange de 330 Hz et 440 Hz), puis compose le numéro national à 8 chiffres de son correspondant : AB PQ MC DU ou à 8 caractères (dont 3 lettres) pour joindre le département de la Seine : 1 £££ MC DU. En automatique, le préfixe interurbain 16 sert à indiquer au commutateur d’abonnés que l’abonné va traiter un appel national, situé en dehors de la zone de l’appelant.
- Lorsqu’un abonné de Région Parisienne souhaite appeler un abonné situé en Région Parisienne, il téléphone en fait dans la même ZRN que lui, donc il compose alors le numéro régional de son correspondant comme à l’époque du plan de 1946 : les 3 lettres suivies des 4 chiffres MC DU si le correspondant est situé dans le département de la Seine, ou les 7 chiffres BPQ MCDU si le correspondant est situé dans le département de Seine-et-Marne, d’Oise ou de Seine-et-Oise.
- Lorsqu’un abonné de Région Parisienne relié à l’automatique interurbain souhaite appeler un abonné situé hors de Région Parisienne, il téléphone en fait hors de sa ZRN, donc il compose alors le préfixe interurbain 16, puis attend la tonalité spécifique du centre interurbain et compose le numéro national à 8 chiffres de son correspondant : AB PQ MC DU.
Le plan de numérotage de 1955, basé simultanément sur des numéros nationaux à 8 chiffres et de numéros régionaux correspondant à 6 ou 7 chiffres fut une réponse astucieuse à cette époque de contraintes et de pénuries en financements, en commutateurs et en voies de transmission des communications ; en fait d’un réseau notoirement sous-équipé, situation qui sera décrite par Fernand Raynaud dans son célèbre sketch du 22 à Asnières.
Ce plan fut le seul moyen possible utilisé pendant 30 ans par l’administration des télécommunications pour gagner du temps en gérant au mieux la pénurie de ressources, au prix cependant, d’une exploitation des ressources en numéros téléphoniques disponibles qui ne pouvait pas être optimale en raison du découpage même organisé par ce plan en Zones Régionales de Numérotage « intermédiaires » à 6 chiffres et ceci pour deux raisons majeures :
1° Il y a une première neutralisation massive des combinaisons de numéros possibles vu qu’à l’intérieur d’une ZRN de province où le plan de numérotage est fixé à 6 chiffres, les indicatifs (AB) qui la composent ne sont jamais utilisés pour différencier les numéros d’abonnés. Donc dans une ZRN, ne sont de toute manière possibles que 90 combinaisons de PQ, soit 900.000 abonnés au maximum quel que soit le nombre d’indicatifs (AB) qui la composent. Un numéro PQ ne peut donc être attribué qu’à un seul indicatif (AB) de la même ZRN à 6 chiffres. Prenons l’exemple d’une ZRN de province qui comporte 4 départements pourvus chacun d’un indicatif (AB), il y a donc 4 indicatifs (AB) dans cette ZRN. Comme le plan téléphonique dans une ZRN de province est fixé à 6 chiffres, seuls 90 PQ sont donc possibles, soit 900.000 numéros de téléphones et ce malgré l’emploi de 4 indicatifs (AB) qui ne seront jamais utilisés à plein rendement dans cette ZRN, vu qu’il préexiste cette limite infranchissable de 900.000 abonnés par ZRN à 6 chiffres. Pour cette ZRN à 4 départements, nous avons donc (90 combinaisons de PQ x 4(AB) différents – 90 combinaisons de PQ réellement possibles), soit 360-90 = 270 combinaisons de 10.000 abonnés, soit 2,7 millions de numéros téléphoniques irrémédiablement perdus pour une ZRN à 4 départements et à 4 indicatifs (AB).
2° De surcroît, comme les ZRN de province (environ 80, soit le nombre approximatif de départements) en chevauchent plusieurs autres, encore plus de numéros de téléphones supplémentaires sont « détruits » à cause du chevauchement ! Par exemple, imaginons le cas d’un département qui fasse partie de 2 ZRN et que ce département possède un indicatif (AB) qui lui soit propre. La ZRN n°1 va lui interdire d’employer un certain nombre de PQ avec son indicatif départemental (cas étudié au 1°), mais la ZRN n°2 qui chevauche ce même département ne pourra plus que choisir, pour ses autres départements restants à pourvoir, des PQ différents de ceux déjà utilisés par le département chevauché. Sachant qu’une ZRN chevauche plusieurs autres ZRN (3, 4, 5 voire 7), des combinaisons interdites supplémentaires vont apparaître et neutraliseront plusieurs blocs de numéros téléphoniques AB PQ.
3° En revanche, même si un PQ ne peut être associé qu’à un seul indicatif (AB) des différentes ZRN dont il fait partie et qui se chevauchent, un PQ peut être associé à d’autres indicatifs (AB) faisant partie d’autres ZRN qui ne se chevauchent jamais (donc à d’autres ZRN géographiquement très éloignées). Par ce moyen, les pertes sont en parties limitées au niveau national, d’où l’importance de procéder à un judicieux découpage des ZRN ainsi qu’à un choix astucieux de leurs chevauchements respectifs ainsi que dans l’attribution des valeurs numériques suivant des critères géographiques aux indicatifs (AB) et aux PQ pour chaque ZRN ; attribution qui ne peut donc jamais être optimisée partout en même temps sur le territoire métropolitain (Optimisation possible jusqu’à 60% de numéros utilisables suivant les régions en cas de forte densité et choix judicieux mais pouvant tomber jusqu’à 20% dans des régions à faible densité.)
Cette situation de gaspillage de numéros de téléphones, supportable tant que le nombre d’abonnés au téléphone restait limité, ne pouvait qu’exploser ultérieurement concernant les zones à forte densité de population. C’est ainsi que des mesures correctives seront successivement prises dans l’urgence entre 1974 et 1980 pour parer à la pénurie de numéros téléphoniques attribuables dans les départements les plus saturés.
Ci-dessus : représentation partielle de l’enchevêtrement des Zone Régionales de Numérotation. (source : Encyclopédie des PTT, 1957, éd. Rombaldi)
Parmi, prenons un cas concret : le département de la Haute-Garonne est une Zone de Numérotage Départementale dotée de son indicatif interurbain AB = 61. Comme toute ZND il va constituer sa propre Zone Régionale de Numérotage à 6 chiffres en y intégrant ses départements mitoyens, au nombre de 7.
Mais ce département va aussi faire partie de 7 autres Zones Régionales de Numérotage, en plus de la sienne, soit 8 ZRN en tout.
De surcroît, ces 7 départements mitoyens vont aussi constituer leur propre Zone Régionale de Numérotage à 6 chiffres en y intégrant à leur tour leurs départements mitoyens, et ainsi de suite, sachant que nous sommes toujours limités à 90 combinaisons de PQ (soit 900.000 abonnés) par ZRN. Or, les ZRN se chevauchent !
Il s’agit bel et bien de cet enchevêtrement de ZRN non disjointes, qui se recouvrent donc partiellement, qui fait perdre une grande partie de la ressource mathématique en numéros disponibles avec ce plan de numérotage à 6 chiffres régionaux.
En plus de risquer la pénurie d’équipements téléphoniques de commutation, l’on pouvait, si l’organisation du plan de numérotage était traitée à la légère de surcroît souffrir de pénuries de numéros de téléphones mathématiquement attribuables pour pouvoir mettre en service les abonnés, et ce même si l’administration disposait des équipements matériels en nombre suffisant !
En 1955, la France est désormais découpée en 80 Zones Régionales de Numérotage.
Ci-dessus : tableau des indicatifs interurbains AB en vigueur en 1955.
(source : Encyclopédie des PTT, 1957, éd. Rombaldi)
Ci-dessus : Plan des indicatifs interurbains AB en vigueur peu après 1955.
(source : CNET 1974)
En 1956, début de l'International Automatique dans le sens Réception : concernant les communications en provenance de l'étranger, elles sont toutes reçues en France par voie manuelle, et acheminées manuellement par nos opératrices d'arrivée.
Il faut attendre le 29 mai 1956 pour que la première liaison automatique internationale dans le sens Étranger vers France soit ouverte, entre la Belgique (Bruxelles) et la France (Lille et Paris).
Fait remarquable, il s'agit de la première liaison internationale ouverte en automatique intégral dans le monde.
En 1958, début de l'International Automatique dans le sens Émission : concernant les communications à destination de l’étranger, rien n’est encore automatisé. Avant 1958, le demandeur passe toujours par la voie manuelle. Il est mis en relation avec des opératrices de départ qui s’occupent manuellement de l’établissement de la communication avec le pays demandé.
Ce n’est qu’à partir du 29 mars 1958 que la situation commence timidement à changer : la première liaison automatique internationale sera ouverte dans le sens France vers Étranger entre la France et la Belgique (Paris et Bruxelles) par le biais d’une sorte d’expérimentation «locale» inaugurée par M. le Secrétaire d’État aux PTT - Eugène Thomas via le CIAD (Centre Interurbain Automatique de Départ) réalisé en matériel ROTARY 7B1 mis en service récemment à Paris - Bonne Nouvelle le 18 janvier 1958.
À ces débuts, les communications à destination de Bruxelles obtenues à partir de Paris sont routées comme s'il s'agissait de communications interurbaines, via le récent préfixe interurbain (16).
Dans le but d'unifier les systèmes de télécommunications internationaux Le CCITT attribue en 1962, pour chaque pays, un indicatif qui lui est propre, pour que chaque pays puisse être joint facilement. La France se voit affecter l'indicatif de pays : 33.
À partir de la France, pour joindre l'étranger, le préfixe international automatique d'appel dédié (19) ne sera créé qu'en 1964 (voir année 1964 de la chronique)
Nota : le préfixe (19) a été précédemment utilisé pour les Dérangements, vers la fin des années 1950, quand à cette époque les Dérangements furent dissociés du service des Réclamations (13). Cet usage séparé n'a donc pas duré. L'on retrouve parfois sur d'anciens téléphones modèles U43 de cette période une étiquette comportant cette numérotation, étiquette spéciale toujours fabriquée en aluminium, et non comme à l'habitude en carton bristol.
En 1963, par la circulaire du 21 septembre 1963 (BO PTT 1963, document 258 T 34 page 89), constatant que le département de la Seine (Paris et 1ère couronne) commence à subir la même pénurie de combinaisons prononçables et vraisemblables de lettres à mettre en relation avec un lieu considéré, comme ceci arriva en province dix ans auparavant, l’administration des télécommunications décide unilatéralement de supprimer l’emploi des lettres pour les numéros de ce département à partir du 1er octobre 1963.
C’est une petite révolution qui est mal vécue par les parisiens, mais qui permet d’une part l’harmonisation de l’emploi de la numérotation en l’alignant sur l’ensemble de l’hexagone, mais permet de surcroît de créer de nouvelles combinaisons qui eussent été invraisemblables ou imprononçables sous forme de lettres. Il est à noter que malgré ce changement, l’emploi des anciens préfixes à lettres préexistant à ce changement reste alors en usage et même toléré par l’administration des télécommunications. Cet usage perdure donc, pour les plus âgés des parisiens et de la 1ère couronne, jusqu’au futur plan de numérotation qui interviendra en 1985.
Par exemple, le préfixe ANJou devient le préfixe 265, ce qui a moins de charme, mais du coup il devient possible de créer le préfixe supplémentaire contigu 266 qui n’est rattaché à aucun lieu-dit particulier, afin de pouvoir facilement doubler, avec le moins d’équipements électromécaniques supplémentaires possibles, la capacité de ce centre téléphonique de Paris très saturé en créant de nouvelles combinaisons de numéros devenues possibles, pour peu que les extensions électromécaniques des commutateurs qui correspondent soient installées...
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En 1964, le préfixe international automatique (19) est mis en service le 24 novembre 1964 (Il avait été réservé dès 1960). Les premières chaînes dédiées de départ automatiques vers l’international sont mises en service, uniquement pour 2 pays au début : l’Allemagne de l'Ouest (RFA) et la Grande-Bretagne. Ce n'est qu’au fur et à mesure de l’automatisation du réseau téléphonique de chaque pays que l’international deviendra progressivement automatique…
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L’abonné compose alors le préfixe 19, attend la tonalité spécifique du Centre International Automatique (il s'agira d'abord d'un indicatif musical, qui sera ultérieurement remplacé à partir du 4 décembre 1971 à 8H00 du matin par une tonalité à 850 Hz, puis ultérieurement (avant 1977) par une tonalité différenciée (330 Hz et 440 Hz mélangés)), puis compose l’indicatif du pays suivi immédiatement du numéro de son correspondant à l’étranger.
Pour la France, le 33 est l’indicatif entrant vers notre pays attribué par le Comité Consultatif International Téléphonique et Télégraphique par sa recommandation E.29 du 26 juin 1964.
Ci-dessus : un ingénieur de la société Le Matériel Téléphonique (LMT) présente le jour de sa mise en service à un journaliste une Table de Départ vers l'Étranger associée au Commutateur International PENTACONTA - CADET (PI770).
Photographie Keystone - 24 novembre 1964 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : inauguration du 1er Commutateur International français CADET par M. le Ministre des Postes et Télécommunications - Jacques Marette.
Photographies PTT - 24 novembre 1964 - Coll. Orange DANP.
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Quelques exemples d'automatisations entre la France et le reste du monde (dates de mise en service au départ de Paris - accessibles par le (19)) :
Ci-dessus : de Paris, M. le Secrétaire d'État Autonome des Postes et Télécommunications - Aymar Achille-Fould le 28 février 1975 en pleine conversation avec M. le Ministre algérien des P et T - Saïd Aït Messaoudène, à Alger.
Photographie PTT - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : de Paris, M. le Secrétaire d'État Autonome des Postes et Télécommunications - Aymar Achille-Fould le 10 mars 1975 en pleine conversation avec M. le Ministre irlandais des P & T - Conor Cruise O'Brien TD, à Dublin.
Photographie PTT - Coll. C. R-V.
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En 1967, un préfixe supplémentaire encore disponible, le (15), est mis à la disposition des abonnés de la Région Parisienne pour l’accès à l’interurbain automatique (préfixe déjà utilisé en outre en province en interurbain manuel).
Ci-dessus : Table d'Essais des circuits interurbains reliés au Commutateur DIANE.
Photographie X - 30 juin 1978 - Coll. C. Teppex
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Ci-dessus : travées du Commutateur Interurbain DIANE.
Photographies PTT - 20 juillet 1967 - Coll. Orange DANP.
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Ci-dessus : un des quatre Traducteurs Quasi Électroniques (TQE) équipant le Commutateur Interurbain DIANE.
Photographie PTT - 18 juin 1970 - Coll. Orange DANP.
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Ci-dessus : inauguration officielle du Commutateur Interurbain DIANE.
Photographies PTT - 20 juillet 1967 - Coll. Orange DANP.
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Ci-dessus : essai téléphonique du Commutateur Interurbain DIANE par M. le Ministre des P et T - Yves Guéna, dans les locaux même de l'installation.
Photographie PTT - 20 juillet 1967 - Coll. Orange DANP.
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À compter du 19 juillet 1967, lorsqu’un abonné relié à l’automatique de Région Parisienne souhaite appeler un abonné situé hors de Région Parisienne, il compose alors le préfixe interurbain 16 ou 15 suivant la moitié de la France que l’abonné de Paris ou de Région Parisienne souhaite joindre, puis attend la tonalité spécifique du centre interurbain (il s'agira d'abord d'un indicatif musical, qui sera ultérieurement remplacé à partir du 4 décembre 1971 à 8H00 du matin par une tonalité à 850 Hz, puis ultérieurement (avant 1977) par une tonalité différenciée (330 Hz et 440 Hz mélangés)) et compose le numéro national à 8 chiffres de son correspondant : AB PQ MC DU.
Mais après l'ouverture à Paris-St Lambert, du Centre interurbain automatique d'arrivée le 26 mars 1972, l’ouverture du CADIS (Centre Automatique de Départ Interurbain Saint-Lambert) le 3 juin 1972, réalisés en matériel PENTACONTA, permettant à une moitié de la Région Parisienne de joindre la totalité de la France en automatique via le préfixe 16, active la généralisation du préfixe 16 au détriment du préfixe 15.
Finalement, le préfixe interurbain 15 ne se généralisera pas, ainsi en a-t-il été décidé pour des raisons techniques. Aussi, est-il procédé dans le courant de l'année 1977 à l'adaptation du centre de transit interurbain DIANE de la façon suivante :
Le préfixe 15 est par la suite réaffecté dès 1979 au SAMU.
Ainsi entre 1967 et 1977, les abonnés de la Circonscription de Taxe de Paris (incluant l’ancien département de la Seine, plus Meudon, Sèvres, Saint-Cloud et les trois aéroports du Bourget, Orly et Villacoublay) composaient le préfixe interurbain 15 pour joindre les départements suivants, en empruntant le centre interurbain parisien DIANE : 01, 03, 04, 05, 06, 07, 09, 12, 13, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 2A, 2B, 23, 24, 26, 28, 31, 32, 33, 36, 37, 38, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 49, 53, 54, 55, 57, 63, 64, 65, 69, 72, 73, 74, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87 et 88.
Quant aux autres départements : 02, 08, 10, 11, 14, 21, 22, 25, 27, 29, 30, 34, 35, 39, 48, 50, 51, 52, 56,58, 59, 61, 62, 66, 67, 68, 70, 71, 76, 89 et 90, il sont obtenus au départ de Paris à partir du préfixe interurbain « habituel »16.
En Décembre 1967, Paris est promue au rang de Centre Intercontinental de Transit Téléphonique, suite à une résolution unanime de l'Union Internationale des Télécommunications réuni en séance à Mexico, et rejoint ce cercle restreint parmi Londres, New-York, Moscou, Tokyo, Singapour et Sydney.
Histoire des Télécommunications Françaises © Claude Rizzo-Vignaud, 27 mai 2023.