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Nous nous proposons de réaliser l'étude la plus poussée des différents plans de numérotage successifs qui aient (eu) cours en France depuis le début du téléphone ouvert au public.
Sans notions sur le plan de numérotation, il est impossible de comprendre ce qu’est le réseau du téléphone automatique. La numérotation téléphonique incarne au moins autant le Réseau Téléphonique Commuté que l’ensemble des commutateurs qui le composent, en permettant le routage des communications téléphoniques jusqu’à destination. Un plan de numérotage doit être vu comme une programmation logicielle à l’échelle d’un pays entier. Un plan vit, un plan évolue, un plan s’adapte aux réalités du territoire et des habitants qui y vivent.
(Photographie : C. R-V - Cadran : Coll. C. R-V)
En 1990, le 10 septembre par sa Décision n°19, M. le Directeur Général des Télécommunications - Marcel Roulet prend la décision de passer dès que possible à la nouvelle numérotation dans l’hexagone pour raison technique (au second semestre 1995, période initialement envisagée).
Les études préparatoires débutent au mois d'Octobre 1990 pour se conclure en fin d'année 1991.
En 1991, le 9 juin, M. le Directeur Général de France-Télécom - Charles Rozmaryn, rédige le Relevé de Décision n°20/DG qui édicte les premiers principes retenus de la nouvelle numérotation à venir :
Le 23 septembre 1991, M. le Directeur Général de France-Télécom - Charles Rozmaryn, crée par la Décision n°38/DG la Délégation à la Nouvelle Numérotation Téléphonique, qui sera chargée d'examiner toutes les solutions pour réussir cette opération de grande ampleur.
En 1992, anecdote de l'Histoire, l'année qui commence sonne le glas le 1er janvier 1992 à 0H00 de l'existence téléphonique de la République Démocratique Allemande en tant qu’État (État lui-même disparu depuis le 3 octobre 1990).
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Le 2 janvier 1992, un Délégué à la Nouvelle Numérotation Téléphonique est nommé. Il s'agit de M. Marc Busch, Ingénieur contractuel né en 1943, entré au CNET en Février 1969, diplômé d’Études Approfondies en Électronique du Solide. (nommé Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur - décret du 28 mars 1997)
En effet, la saturation en ressources au niveau des indicatifs AB en zone province menace aux environs de l’année 1997, en raison du succès de la demande pour des lignes téléphoniques analogiques telles que :
En début d'année 1992, les études menées d'Octobre 1990 à la fin d 'année 1991 aboutissent à l'adoption d'une numérotation à 10 chiffres par M. le Président de France Télécom - Marcel Roulet.
Or à cette même période, France Télécom a reçu une proposition pour une numérotation à 9 chiffres, déposée par l'AFUTT, qui a nécessité une étude de ce scénario jusqu'en Septembre 1992.
En Septembre 1992, France Télécom rejette le scenario à 9 chiffres et valide à nouveau le scenario initial à 10 chiffres. Les deux raisons essentielles du maintien du scenario à 10 chiffres sont :
Ci-contre : vue d'un ancien commutateur E10.5 CTA ayant servi jusqu'à sa fermeture en 2012 à l'acheminement des communications télématiques entre les abonnés et l'annuaire électronique des abonnés au téléphone. La multiplication de ce type d'usages en plus de la téléphonie analogique "classique" participa également à la saturation rapide du plan de numérotage de 1985. (Photographie C. R-V)
En 1993, le 28 juin, M. le Délégué à la Nouvelle Numérotation Téléphonique - Marc Busch fait parvenir à tous les services concernés les procédures de préparation des commutateurs électroniques nécessaires à la nouvelle numérotation à dix chiffres. Ces procédures doivent être opérationnelles dès le 31 juillet 1993.
Nota : Le passage à la numérotation à 10 chiffres est alors initialement prévu, d'après les premières notes internes, pour un basculage en Novembre 1995 mais qui sera repoussé à 1996 dès le mois de Juin 1995 pour raison technique.
- Au niveau du Réseau Téléphonique Commuté lui-même, tout se déroule selon le plan et le temps imparti.
- Les problèmes sont dus aux entreprises et aux installateurs privés de PABX en conflit et en retard sur l'adaptation de leurs équipements, pour des raisons de désaccords sur les investissements à réaliser.
- Il faut donc démentir la rumeur (à laquelle nous ayons longtemps cru) ayant fait état du report en raison des grandes grèves de Novembre et Décembre 1995 contre le Plan Juppé.
- Mais finalement, ce report fut tout de même providentiel et évita le basculement dans la numérotation à dix chiffres en pleine période d'instabilité politique.
Le parc de commutateurs téléphoniques publics à adapter se compose alors en 1993 de :
En 1994, les adaptations successives de tous les types d’équipements se poursuivent durant toute cette année (dont les commutateurs en premier lieu), ainsi que l’élimination de tous les équipements non adaptés à la future numérotation à 10 chiffres :
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Administrativement :
En 1995, les préparatifs de la Numérotation à 10 Chiffres se précisent.
En 1996, le calendrier des opérations de passage à la nouvelle numérotation à 10 chiffres est le suivant :
Ci-dessus : vue générale du Centre National de Supervision - Paris Murat, lors de la répétition.
Photographie France-Télécom - 10 septembre 1996 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : présence, lors de la répétition, en pleine conversation des personnalités chargées ou témoin de l'opération à venir.
Photographie France-Télécom - 10 septembre 1996 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : au Centre National de Coordination de Murat, au moment du passage à la numérotation à 10 chiffres avec le coup de téléphone d'essai de M. le Ministre des PTE.
Photographies France Télécom - 18 octobre 1996 - Coll. Orange DANP.
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L’opération, tout comme en 1985, est supervisée en direct depuis le Centre National de Supervision situé dans le centre téléphonique de Paris Murat. Le journaliste scientifique M. Michel Chevalet remplace feu M. Léon Zitrone au décompte fatidique et M. Michel Bon remplace M. Jacques Dondoux à la tête de l'opérateur historique.
L’opération, placée sous la responsabilité du Délégué pour la Numérotation à 10 chiffres, M. Marc Busch, se déroule facilement et sans accroc pour les 32,9 millions de lignes téléphoniques, réparties sur 1325 commutateurs téléphoniques alors en service, qui constituent le réseau téléphonique de France-Télécom à cette date précise.
M. le Président de France Télécom - Michel Bon, présent à Murat, déclare à l'issue de l'opération : « Nous venons de montrer à nos clients qu'avec France Télécom, ça marche et qu'ils peuvent avoir confiance, même quand c'est compliqué. La réussite de cette opération constitue un atout supplémentaire pour France Télécom dans la perspective de ses prochaines étapes. Quand France Télécom veut, France Télécom gagne.»
Opération préparée sur cinq ans, ayant nécessité 130.000 journées-agent de travail préparatoire et 3.500 agents de service cette nuit-là.
La France adopte donc la « NNT3 », pour Nouvelle Numérotation Téléphonique - 3ème phase. La France est d'ailleurs le premier pays du continent européen à inaugurer le passage au format à 10 chiffres. Elle est toujours en vigueur aujourd’hui ; prévue pour durer jusqu’en 2050.
Ci-dessus : logo retenu pour le passage à la numérotation à 10 chiffres en France. Toutes les brochures remises aux abonnés le comportaient, tel le Document Préparatoire d'Information sur la Nouvelle Numérotation à 10 Chiffres remis aux entreprises.
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Nota :
Il faut ajouter qu’entre 1985 et 1996 le réseau est devenu entièrement électronique ce qui a rendu le passage à 10 chiffres très aisé et n’a nécessité qu’une mobilisation de 3.500 agents le jour J pour cette nouvelle opération d’envergure.
À cette date, le slogan « 10 chiffres pour tous, partout » devient une réalité en France. L’hexagone est partagé en 5 zones géographiques distinctes et partout où nous habitons en métropole ou dans les départements d’outre-mer, la numérotation est désormais fixée à 10 chiffres. Sont aussi créés 4 zones délocalisées, c'est-à-dire non géographiques pour les besoins en nouveaux indicatifs pour les nouveaux services.
Le nouveau format est le suivant : EZ AB PQ MC DU où la lettre E pour Exploitant est attribuée à l’opérateur longue distance (de valeur (0) pour l’opérateur par défaut) et la lettre Z indique l’indicatif des Zones distinctes nouvellement créées :
Ci-dessus : plan de numérotage NNT3 en vigueur en France depuis le 18 octobre 1996.
(Il s'agit du premier modèle de carton d'explications en vigueur alors dans les cabines téléphoniques publiques du réseau français, qui depuis fut modifié, sans omettre que les cabines téléphoniques sont actuellement désinstallées en masse du territoire national.)
(Collection C. R-V.)
En 1997, l'Autorité de Régulation des Télécommunications, présidée par M. Jean-Michel Hubert, rend la Décision n°97-16 le 5 mars 1997 publiée au Journal Officiel du 22 avril 1997 - NOR : ARTT9700012S fixant la fin de la période transitoire où était maintenue la possibilité de continuer à téléphoner avec l'ancienne numérotation à 8 chiffres à l'intérieur de sa propre Zone Géographique de rattachement. Cette date est fixée entre le 1er octobre et le 1er novembre 1997, à la main de la S.A France-Télécom, commutateur téléphonique par commutateur téléphonique, pour les 990 commutateurs d'abonnés que compte alors le parc.
Cette période transitoire d'environ une année était nécessaire afin de laisser le temps aux installateurs privés d'installations de télécommunications de mener les adaptations nécessaires, notamment des PABX, des Terminaux de Numérotation Programmés (comme dans le cas des lignes d'ascenseurs ou de téléalarmes, Transveil, etc.)
Dès le 20 novembre 1997, seule perdure depuis lors la numérotation à 10 chiffres en France Métropolitaine.
Pour les étourdis, les communications numérotées à 8 chiffres au lieu de 10 étaient renvoyés sur la machine parlante de leur commutateur de rattachement qui délivrait le message suivant (Cas de l'Île-de-France) : «France-Télécom bonjour. Le numéro de votre correspondant comporte désormais 10 chiffres. Pour obtenir ce numéro, vous devez ajouter le 01 avant son numéro à 8 chiffres. Merci.»
Le 15 septembre 1997, les Préfixes "E" (pour Exploitant) destinés à remplacer le 0 à chaque début de numéro de téléphone sont tirés au sort par l'Autorité de Régulation des Télécommunications, au Ministère des P et T.
Ci-dessus : tirage au sort organisé par l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) concernant l'attribution des 3 premiers Préfixes "E".
Photographies P et T - 15 septembre 1997 - Coll. Orange DANP.
En 1998 : arrivée des premiers Opérateurs Tiers dans la Téléphonie Fixe, la concurrence étant alors ouverte sur les appels Longue Distance (c'est à dire interurbains et internationaux). Les appels locaux demeurant toutefois toujours acheminés obligatoirement par l'opérateur historique France Télécom jusqu'au 1er janvier 2002.
Cégétel : le 1er février 1998, l'opérateur Cégétel, filiale du groupe Vivendi qui possède aussi SFR, met en service "le 7" de Cégétel et sera le premier opérateur privé dans la téléphonie fixe à concurrencer France Télécom l'opérateur historique, sur les appels longue distance, (interurbains et internationaux).
Les 3 premières régions ouvertes au 1er février 1998 par Cégétel sont :
9 Télécom : le 15 juin 1998, l'opérateur Netco titulaire d'une licence depuis le 30 décembre 1997, rebaptisé commercialement 9 Télécom, met en service "Le Neuf", accompagné d'une campagne publicitaire sur le célèbre Monsieur Le Neuf - qui finira d'ailleurs par agacer les pauvres abonnés portant le patronyme Le Neuf et lui causera quelques ennuis judiciaires, la vie de ces abonnés devenant impossible...
SIRIS : le 23 septembre 1998, l'opérateur SIRIS, filiale du consortium Unisource titulaire d'une licence, "Le 2".
ESPRIT TELECOM : en Janvier 1999, l'opérateur ESPRIT TELECOM, lance "Le 6".
Suivront dès cette même année 1998 une kyrielle de nouveaux opérateurs de télécommunications qui se créeront aussi rapidement que la plupart d'entre eux disparaîtront : effet d'aubaine où tout le monde tente un peu sa chance en jouant à l'Opérateur Téléphonique, un peu comme jadis nous jouions avec les téléphones-jouets lorsque nous étions enfants...
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Le 31 mai 1998 marque la fin des numéros courts à 2 chiffres du 13 (Dérangements) et du 14 (Agence France-Télécom).
En effet, les nouveaux concurrents s'estimaient lésés que France-Télécom bénéficie de ces numéros historiques très courts, alors que leurs services techniques et commerciaux sont pourvus de numéros plus longs...
La transition s'est effectuée entre le 1er décembre 1997 et le 31 mai 1998.
En 1999, l'Opérateur Tiers venu du froid débarque en France...
Télé2 : signalons l'entrée fracassante dans l'arène d'un opérateur longue distance venu de Suède qui obtient son ticket d'entrée en France le 3 juillet 1998 par la décision n°98-546 de l'Autorité de Régulation des Télécommunications, qui faisait le pari révolutionner le secteur et qui avait au départ impressionné le grand public avec son préfixe "4" : Télé2.
En 2000, le 17 janvier, par décision de l’Autorité de Régulation des Télécommunications n° 99-1077 du 8 décembre 1999, la présélection par n’importe quel abonné au téléphone fixe est mise en application. Désormais, il s’agit de la possibilité donnée au client de confier implicitement, et à l’avance, l’acheminement et la facturation de ses appels longue distance nationaux et internationaux à l’opérateur longue distance de son choix et ce sans avoir à modifier ses habitudes de numérotation : en continuant à composer le zéro en début de numérotation. Cette possibilité offerte étant censée favoriser la mise en concurrence des opérateurs alternatifs par rapport à l’opérateur historique France-Télécom.
En 2000, le Département d'Outre-Mer de La Réunion bascule dans la numérotation à 10 chiffres.
En 2001, les Départements d'Outre-Mer des Antilles & Guyane basculent dans la numérotation à 10 chiffres pour les mêmes raisons que La Réunion.
En 2002, le 1er janvier, entre en vigueur la concurrence sur le téléphone local. À cette date, l’ouverture totale à la concurrence de toutes les catégories du trafic téléphonique devient une réalité : la totalité des Opérateurs Tiers (11 exploitants à cette date - ainsi que ceux à venir) peuvent désormais acheminer les communications locales, en plus des communications interurbaines et internationales.
Les Zones Locales de Tri (ZLT) créées en 1998 à l’occasion de l’ouverture à la concurrence des communications longue distance étaient alors une nécessité étant donnée l’absence d’existence réelle de réseaux chez les concurrents nouveaux nés. 4 années plus tard, les ZLT sont abolies, le législateur considérant ce délai suffisant pour ces opérateurs tiers de déployer leurs propres structures.
De 2006 à 2008, destinée des premiers Opérateurs Tiers :
En 2007 : cas de Mayotte dans la numérotation à 10 chiffres. Depuis le 18 octobre 1996,
En 2010, le 3 mai : ouverture technique et premières attributions, en France, par France Télécom, du préfixe 07 pour la téléphonie mobile.
En 2016, le 7 juillet :
Histoire des Télécommunications Françaises © Claude Rizzo-Vignaud, 27 mai 2023.